On retrouve les fourmis presque partout dans le monde, sauf dans les régions arides car elles ont besoin d’humidité. Les fourmis occupent la plupart des régions connus. On peut les classer selon plusieurs types, selon le mode de vie et/ou l’alimentation. Voici les plus connus et les plus représentatifs de la grande variété des Formicidés.
Les fourmis tisseuses (ou tisserandes)
Présentes sous les tropiques d’Asie, d’Afrique et d’Australie, les espèces du genre Œcophylla nichent dans les arbres. On les appelle aussi fourmis fileuses oecophylles. Elles construisent leurs nids à l’aide de feuilles dont elles cousent les bords à l’aide de fils de soie produits par les larves. Pour débuter le procédé, des ouvrières forment des ponts entre les feuilles pour les tenir rapprochées les unes aux autres. Elles les retiennent avec leurs pattes et leurs mandibules. Ensuite, d’autres ouvrières transportent les larves et les pressent doucement entre leurs mandibules pour leur faire produire de la soie et les utiliser comme de véritables navettes vivantes. Les fourmis tisseuses forment de larges colonies qui peuvent être réparties sur plusieurs arbres et sont très territoriales.
Chez la Fourmi tisserande, la colonie occupe plusieurs nids sur un ou plusieurs arbres. La reine habite un des nids alors que ses neufs sont répartis dans les autres. Les nids est aussi appelés calies de cette espèce d’Asie du Sud-Est sont parmi les plus sophistiqués de ceux des insectes sociaux. En Indonésie, cette espèce de fourmis tisseuse est couramment appelée kroto. Sur l’île de Java, les habitants en récoltent les œufs, les larves, les nymphes et les imagos afin de les commercialiser sous forme de préparation sèche destinée aux oiseaux chanteurs, qui font l’objet de grandes compétitions internationales. Selon les Javanais, c’est dans les plantations de noix de coco et de palmiers à huile que le kroto est plus abondant et de meilleure qualité.
Les fourmis moissonneuses
Certaines espèces de fourmis récoltent, stockent et consomment des graines. Les fourmis moissonneuses du genre Messor, ont des ouvrières spécialisées munies d’une grosse tête et de puissantes mandibules chargées de casser les graines. Ensuite, les graines concassées sont malaxées avec de l’eau, ce qui les rend plus assimilables pour les autres fourmis. Dans les régions arides, les fourmis du genre Pogonomyrmex sont connues pour être capables d’éliminer toute trace de végétation dans un rayon de 1 à 2 mètres autour de l’entrée du nid souterrain ! Au Québec, les plusieurs espèces de fourmis sont considérées comme nuisibles à l’agriculture car elles ramassent les graines destinées aux semis pour les rapporter à leur fourmilière. Dans les années 1920, on recommandait alors de détruire la fourmilière en la noyant avec 100 litres d’eau bouillante additionnée d’un litre d’une émulsion de pétrole et de savon noir…
Les fourmis « pot-de-miel
En Afrique, en Amérique et en Australie, certaines espèces de fourmis, comme Myrmecocystus mexicanus, au Texas et au Nouveau-Mexique, ont des ouvrières spécialisées qui jouent le rôle de « pots de miel ». Elles vivent dans les zones désertiques où elles doivent survivre pendant de longues périodes sans pouvoir trouver de nourriture. Un certain nombre d’ouvrières sont donc chargées de faire des réserves de miel qu’elles conservent dans une poche spéciale de leur tube digestif. Leur abdomen peut prendre des proportions considérables. Elles restent pendues au plafond de la fourmilière, gonflées comme des outres, et régurgitent le liquide sucré à leurs congénères pour les nourrir. Ces individus ont une telle valeur qu’ils sont régulièrement kidnappés par d’autres colonies lors de raids… En Australie, les fourmis du genre Melophorcus sont un mets de choix pour les Aborigènes.
Les fourmis charpentières
On retrouve les fourmis charpentières presque partout dans le monde. Elles appartiennent essentiellement au genre Camponotus pennsylvanicus et forment plus d’une centaine d’espèces. Ces fourmis présentent la particularité de nidifier en creusant des galeries dans le bois. On les trouve dans les troncs des arbres morts encore debout, dans les souches et les billots ou sous les troncs tombés et les pierres. Elles préfèrent le bois humide en décomposition. Elles ne mangent pas le bois, mais l’éjectent du nid sous forme de sciure. Quand on les observe dans une maison, cela indique un important problème d’humidité et de pourrissement des charpentes.
Au Québec, les fourmis charpentières sont les plus grandes espèces, puisque les ouvrières peuvent mesurer jusqu’à 25 mm. Leur taille est d’ailleurs très variable d’un individu à l’autre. On parle alors de polymorphisme. Toutes les espèces de fourmis charpentières vivent en symbiose avec une bactérie appelée Blochmannia. Il semblerait que cette bactérie soit capable de synthétiser des acides aminés et d’autres nutriments indispensables à l’alimentation des fourmis.
Les fourmis coupeuses de feuilles et champignonnistes
En Amérique du Sud une quinzaine environ de fourmis Atta sont spécialisées dans la culture des champignons. Il en est de même pour les fourmis manioc des Petites Antilles.
Pourquoi ont-elles donc besoin de se nourrir de champignons ?
Beaucoup de fourmis consomment des végétaux. Pour en digérer la cellulose, elles possèdent une flore bactérienne et des enzymes spécifiques. Or les fourmis champignonnistes sont dépourvues de ces microorganismes. Elles doivent donc les « trouver » en cultivant des champignons riches en enzymes les aidant à digérer la cellulose. Pour cela, elles récoltent continuellement des feuilles qu’elles coupent en petits morceaux puis qu’elles déposent dans une chambre de culture pour que des champignons s’y développent.
Les sous-castes de ces fourmis sont organisées autour de la découpe des feuilles et de la taille des morceaux dont elles sont chargées. En effet, les morceaux de feuilles sont mâchés par des ouvrières dont la taille devient de plus en plus petite : les grandes ouvrières (plus de 1 cm) découpent à l’aide de leurs mandibules les morceaux de végétaux qu’elles transportent verticalement jusqu’à leur nid.
Ce mode de transport très particulier leur a valu le nom de « fourmis-parasols ». Les plus petites ouvrières (environ 2 mm) mastiquent et broient ces apports, elles induisent une fermentation enzymatique dans leur jabot et régurgitent ce broyat humide dont le mycélium va se nourrir.
Comme le champignon ne peut vivre seul en dehors de la fourmilière, il a besoin de ce milieu de croissance protégé et que la fourmi a besoin de ce champignon pour s’alimenter, on peut alors parler de symbiose, puisqu’il y a association à bénéfice réciproque entre une fourmi et un champignon. Une colonie ne cultive qu’un seul type de champignon mais différentes colonies d’une même espèce peuvent cultiver des champignons différents. Une colonie peut consommer quotidiennement autant de végétaux qu’une vache adulte ! Il a été estimé que toutes les espèces du genre Atta sont responsables de la décomposition de 20 % des feuilles d’arbres en Amérique du Sud !
Les fourmis légionnaires
Les fourmis légionnaires, ou fourmis chasseresses, se nourrissent presque exclusivement de proies animales et dévorent tout ce qui se trouve sur leur chemin : arthropodes, oiseaux, mammifères, mais aussi animaux domestiques attachés ou se trouvant dans des enclos d’où ils ne peuvent s’enfuir…
Selon les espèces, les fourmis légionnaires adoptent deux styles tactiques au cours de leurs raids meurtriers. Le premier consiste à attaquer sur un large front en déployant les fantassins en éventail. Pour le second, les fourmis agissent en colonnes de soldats. En Afrique, les magnans du genre Dorvlus se déplacent en colonnes pouvant atteindre 20 cm de large, 1 000 m de long et comptant plus de 20 millions de fourmis, pour un poids total de 20 kg…
En Amérique, les colonnes de fourmis du genre Eciton peuvent s’étendre sur 15 mètres de long par 2 mètres de large. L’approche de ces colonnes de chasse est signalée par un bruit caractéristique, provoqué par le déplacement de la végétation et des feuilles mortes.
La plupart des espèces de fourmis légionnaires du genre Dorvlus sont nomades. La nuit venue, les ouvrières se rassemblent pour constituer un nid temporaire pour protéger la reine et le couvain : elles forment alors une masse compacte, et c’est l’agglomération de milliers d’individus oui servira de nid!
Les espèces du genre Eciton présentent un mode de vie biphasique. Elles passent d’abord par une phase stationnaire qui dure environ trois semaines, pendant lesquelles elles restent au même endroit toutes les nuits. C’est à ce moment-là que la reine pond ses neufs : environ 250000 par semaine ! Par la suite, quand les neufs éclosent enfin, les ouvrières entrent dans une phase d’excitation qui déclenche la période nomade. Pendant cette période, la colonie se déplace pour former un bivouac toutes les nuits pendant environ deux semaines.
Les fourmis parasites et esclavagistes
Certaines espèces de fourmis pratiquent l’esclavagisme à grande échelle pour fonder de nouvelles colonies. Chez l’espèce Formica sanguinea, par exemple, les fourmis exécutent de véritables raids dans les colonies d’autres espèces et s’emparent de leur couvain. Une fois nées dans la nouvelle fourmilière de leurs kidnappeurs, les ouvrières, qui pensent naturellement être dans leur fourmilière d’origine, se mettent à effectuer leurs tâches diverses et restent ainsi au service de leurs maîtres toute leur vie. Parfois, c’est une reine qui est prise en esclavage et qui produit donc des esclaves à profusion pendant une vingtaine d’années…
Quelques espèces, comme les fourmis amazones, parasitent de la même façon plusieurs espèces du genre Formica. Mais elles sont devenues tellement dépendantes de leurs esclaves qu’elles sont incapables de vivre sans leur aide !
Pour fonder une nouvelle colonie, les reines de certaines espèces de fourmis envahissent les fourmilières d’autres espèces. C’est ce qu’on appelle le parasitisme social. Ce phénomène apparaît par exemple avec l’espèce Formica Lugubris et cela se passe de la façon suivante : une jeune reine Formica Lugubris pénètre dans un nid de Formica fusca, tue la reine et prend son rôle. Les ouvrières fusca travaillent pour elle, elle pond des œufs et ces œufs lugubris seront maintenus par des nourrices fusca. Au bout d’un certain temps, la colonie de fusca meurt, car comme il n’y a plus de reine fusca pour pondre des neufs, les ouvrières ne sont pas remplacées. Cette population est donc remplacée petit à petit par une colonie de lugubris.
Formica rufa agit de la même façon en parasitant les colonies de Formica fusca et Formica lemani. Il existe de nombreux autres cas de parasitisme social de d’esclavagisme chez les fourmis.
Les fourmis éleveuses de pucerons
De nombreuses espèces de fourmis, telles Formica rufa et Lasius niger, élèvent des pucerons de la même façon que des hommes élèvent du bétail, pour se nourrir de leur miellat dont elles raffolent. Le miellat est un liquide sucré sécrété par l’anus des pucerons. Il s’agit en fait de leurs déjections. Mais pourquoi le miellat est-il sucré ? Les pucerons se nourrissent des protéines et des sucres contenus dans la sève des végétaux. Or celle-ci contient beaucoup plus de sucres que de protéines. Comme les pucerons ont un besoin élevé en protéines, ils doivent consommer beaucoup de sève, et par conséquent beaucoup plus de sucres que nécessaire. Ils doivent donc excréter le surplus de sucre dans leurs déjections. Ainsi, les fourmis peuvent disposer de miellat énergétique à profusion.
Or, pour les pucerons, l’élimination physique et mécanique du miellat est un réel problème car il est excrété sous la forme de grosses gouttes un peu visqueuses, dont il est difficile de se débarrasser quand on est un petit insecte peu mobile. Pour ce faire, certaines espèces doivent remuer leur abdomen pour éjecter le miellat le plus loin possible. D’autres se servent de leurs pattes arrière ou utilisent un ou plusieurs tubes appelés cornicules. Les fourmis rendent donc ainsi un grand service aux pucerons en retirant leur goutte de miellat.
Certains scientifiques pensent même que quand l’arrière-train des pucerons présente deux cornicules, c’est pour imiter la forme d’une tête de fourmi réalisant une offrande trophallactique, et ainsi attirer de nombreuses fourmis !
En échange du miellat, les fourmis protègent les pucerons des prédateurs, dont les coccinelles.
Comme nous le voyons, certaines espèces de pucerons sont associées à certaines espèces de fourmis. La plupart des fourmis trophobiontes sont arboricoles, territoriales et omnivores. Elles appartiennent généralement aux sous-familles des Dolichoderinae, des Formicinae et des Myrmecinae. La relation particulière qui unit fourmis et pucerons s’appelle trophobiose, ou mutualisme. On ne parle pas de symbiose, car il s’agit plus d’un rapport exploitation/protection. La symbiose consiste en effet en une association constante, obligatoire et spécifique entre deux organismes ne pouvant vivre l’un sans l’autre, chacun d’eux tirant un bénéfice de cette association. Ce n’est pas le cas entre les fourmis et les pucerons : les fourmis peuvent parfaitement vivre sans les pucerons et vice versa.